Description
Premier livre photo de Jean Pierre Duvergé, publié aux éditions Hemeria
« Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences ».
Arthur Rimbaud, la lettre du voyant.
Dix ans avant d’arriver en Ethiopie, Arthur Rimbaud, en saisissait déjà l’essentiel. Car, oui, cette terre est à elle seule une forme de quintessence de toutes les passions humaines, de tous les infinis de la nature. Le voyageur s’immerge davantage qu’il ne voyage. Au fil des routes et des rencontres s’opère une transmutation intérieure, une modification de l’état de conscience, comme ce sentiment océanique décrit par Romain Rolland à Freud, la sensation de ne faire plus qu’un avec l’univers. Les pèlerins vêtus de blanc, tout droit sortis d’un verset de la Bible, la splendeur tellurique des églises enterrées, l’énergie primordiale des tribus de sud…Ici, chaque passant participe un peu de l’harmonie universelle. L’ordre de la matière et celui du spirituel se confondent peu à peu…Tout voyage en Ethiopie est voyage initiatique.
Comment traduire cette alchimie ? Comment rendre compte de cette abolition des catégories du temps et de l’espace, de leur transformation en un temps et un espace sacrés qui donnent comme un air d’éternité à la moindre scène quotidienne ? Il faut savoir voir ce qui ne se voit pas, comprendre ce qui ne se comprend pas, saisir l’insaisissable, dire l’indicible. « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux » écrivait Saint-Exupéry. Voilà bien toute la difficulté avec l’Ethiopie. Dans ce pays, les êtres et les choses viennent du fonds des âges ; d’une certaine façon, il faut savoir se faire voyant pour saisir leur essence.
Jean-Pierre Duvergé nous donne sa réponse. Ce n’est pas l’œil du photographe qui nous est donné à voir, mais bien son esprit. Jean-Pierre ne photographie pas. Ses photos ne sont pas geste technique, mais dynamique fraternelle, occasion d’une communion d’autant plus intense qu’elle est fugitive. C’est bien d’énergie dont il s’agit, de vibrations qui entrent en résonnance entre deux êtres qui se croisent.
Son secret ? Ses photos ne sont pas d’abord des photos. Elles sont à la fois matérialisation de l’esprit du sujet et spiritualisation de sa matière corporelle. C’est bien d’une conversion du regard dont il s’agit, qui est aussi, et surtout, conversion de l’âme. Alors, survient la grande métamorphose. Ce prêtre au regard fixe devient prophète de l’Ancien testament, cette femme qui se rend à l’église avec ses bijoux, reine de Saba, ce jeune homme aux peintures rituelles, témoin vivant des débuts de l’humanité. La beauté de ces photos n’est pas une esthétique, mais un dévoilement. Ces pages se tournent en silence : voici tout un peuple, tout un univers qui défilent. Parce que je connais, et Jean-Pierre, et l’Ethiopie, je sais que quelque chose s’est accompli. Rien n’est dit, tout est dit.
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